Le désordre général

[Equus]

Le désordre général est une lettre écrite par Lopo des Equus lors du conflit qui l'opposa au général Shyveno. La lettre fut distribuée sous le manteau tant la répression qui menaçait les lecteurs était grande. Le titre fait référence aux deux publications précédentes du politicien vampire.

16 mai de l'an X

Ces dernières heures, ma fonction diplomatique me contraignait. Je mettais Valoundra en danger. Le 13 mai, à la façon des Sangbandiers d’un autre temps qui ne vivaient que pour le sang et la vengeance, j’abandonnai mes charges les plus hautes.
Ingrith me dissuada jusqu’au dernier moment de me mettre en chasse. J’allais l’écouter et me résigner ; mais je savais alors que je ne serais plus digne de ma famille. Peut-être mon orgueil, trempé dans la poudre à canon des derniers mois, était en train de me trahir. J’aurais aimé que le roi Lestat me conseille.
Enfermé dans la plus ancienne crypte de la nécropole, il été voué au silence - pour devenir une autre forme de monarque.
Le souvenir encore ardent du sommet d’Ertuen, ou Shyveno multiplia les affronts envers le roi Lestat, décida définitivement ma vendetta.

Je me lançai sur les traces de Salazar. Celui la m’avait menacé – je décidai de me servir de lui comme guide à travers la forêt. Il m’emmena jusqu’au général.
J’observai deux jours durant l’étrange réunion qui se tenait au cœur du bois millénaire. Thanis était ici.
Voilà une nation bien prudente qu'Alothanria. Après avoir rallié les hommes et les elfes, il lui faudra offrir sa paix facétieuse au monde entier.
Je vous assure que depuis ma cachette, j’entendais les racines gronder – c’était la voix des anciens de tout peuple, morts ici, et refusant tous ensemble une horrible et grande alliance.
Le général quitta les lieux accompagné de peu de gardes. Il est une elfe nommée Loria, dont la devise d’honneur de famille est « La chance est un luxe qu’on provoque. » J’étais, à ce moment précis, digne d’être un vieil oncle namida.
Je m'étais glissé dans les pas de Shyveno – l’étau se resserrait sur lui car dans le même temps, j’avais averti par missive deux escouades des meilleurs chevaliers de Valoundra. L’une était dirigée par le Kaizer ; l’autre par le Faucheur. Le val herbeux – puis le repère des brigands furent l’entrelacs de notre piège. La fusillade eut lieu d’un coup, sur les frontières du territoire rebelle.

Le faucheur portait le chaos et son front mesurait la gravité de son acte. Il était sombre, les yeux brillants. Son épaule à l’ossature lourde déployait la force d’un félin et les chevaliers vampires qui l'accompagnaient comme une cape de velours se répandaient à ses gestes commandeurs. Je n’ai jamais vu un homme aussi beau et aussi prometteur ; bien que d'âge mur, le vampire de Pierre entrait de plus en plus largement dans la légende. Je regrettai que Clément Desnos ne l'ai jamais rencontré, il en aurait sans doute écrit un passage bien plus inspiré que moi.

Enfin, la défaite du général fut cinglante. Je ne sais pas s'il reviendra de cet assassinat.
Je n'ai pas pu transmettre ce papier avant ces deux jours car j'ai fui prudemment les chemins. Il n y a pas de victoire pour l'instant, mais un grand désordre.

Lopo des Equus. Chevalier vampire.

PS au général :
Nous sommes à égalité maintenant, Shyveno, tous les deux coupables par le sang et puni par ce dernier. Je me persécute moi-même de la mort de Desnos. Voilà que tu as payé par l'acier. Mais si tes vieux dieux te sauvent, je jure sur l'honneur de t'affronter en duel. Toi et moi alors nous ne pourrons échapper l'un à l'autre. Par Hécate ou par Iridus, l'un de nous sera définitivement perdant.
Si la faux du vampire de Pierre n'avait pas découpé suffisamment ton coeur ; si le passeur te laissait reprendre une barque pour la surface, je te donne rendez-vous sur une terre neutre. Toi et moi. Si tu m'entends, fantôme, tu devrais te préparer, car je vais te montrer comment les vampires ressuscitent les morts, pour les tuer de nouveaux et les rendre au néant.