Mémoire et damnation [N.]

[Equus]

VALOUNDRA - début Febranoct de l'an X notes anonymes

Les marcheurs ont aperçu une silhouette agile dans les marais. Le garde chien a libéré son molosse dans la tourbe. Bientôt le vampire ennemi fut rattrapé et cerné ; et un comme un daim rouge pris au piège face aux épagneuls il se montra fier et vaillant.
Arrivé sur les lieux avec quelque peu de retard, j'ai contemplé la mise à mort du sombre errant par notre roi. Les négociations d'alors auraient peu d'importance à être relatées - j'en viens directement au fait :
Les chevaliers vampires et le roi s'en allèrent vers la crête de Valoundra où les manoirs dressent leurs toits pointus. Les troupiers retournèrent aux portes du faubourg et le garde chien resta avec moi un temps puis se résolu à longer les marécages. Ce dernier détail n'est pas un effet de réel - c'est que dans le moment où le dresseur resta à mes côtés, le molosse roulait ses gros yeux sur le cadavre comme si une odeur particulière et étrange s'en dégageait.

Quel "flair" avait ce dog noir ! Je restai seul sur la route avec la tête du mort dans les bras. Je regardai son corps désarticulé un peu méconnaissable. " Le roi a été bien délicat de te couper la tête sans autre forme de procès. Sa patte de lion t'aura épargné bien des supplices car tu peux croire que ceux qui t'auraient reconnu au travers ta toge de traître cisailleraient encore ta carcasse vivante au dessus d'un nid de crabe."

Je parlai à voix haute car les os ensanglantés de l'assassiné devaient entendre aussi bien que des oreilles. Les actes ignobles qu'il avait commis par le passé et sa résurgence n'était pas incompatible. Voilà le résultat d'un pacte diabolique - les monstres trouvent toujours un moyen de survivre. Le cadavre eut un mouvement. Croyez-moi que cela ne m'étonna pas et je remontai sur mon cheval en gardant sous mon bras la tête du mort et le secret de son nom. J'avais bien connu ce massacreur vampire et je savais qu'il remonterait, tôt ou tard, à la surface.

[Naorun]

Ainsi ces pleutres m'avaient envoyé dans le monde des morts ! Les lâches ! Avaient-ils si peu de courage qu'il ne devais pas être moins de deux, leur puissant roi et un mage, pour me vaincre ? J'étais certes l'un des plus anciens vampires, mordu par un Sang-Pur, mais ma folie m'avait enlevé pendant tout ce temps toute réflexion.

Et parce que je suis passé une fois à Lurhilis pour une mesquinerie, je serais leur ennemi ? Je ne suis en effet l'ami de personne, mais de mémoire, aucun autre vampire ne s'est vu son cœur ôté par ma main. Et nous partageons l'amour des plaisirs charnels, de l'apogée de la luxure.

Des lames maudites cherchent à m'enlever de ce monde ? Peu importe. Toujours je reviendrais. Je suis le spectre de ce monde. Le massacreur, l'arracheur de cœurs, celui qui fait couler des rivières de sang, et qui fait pleuvoir les larmes. Celui qui abreuve la terre de ceux qui l'exploite. Car comme les dieux ont enrichit la terre de leur sang, ainsi les mortels le doivent également.

...

Naorun est revenu à Urpis, ses habits toujours en sang, et il était d'une humeur massacrante. Les avatars étaient à nouveau étouffés, cloisonné dans une prison très profondément enfoui. Et seule la Soif, seuls ses désirs et ses pulsions étaient éveillés. Un elfe passa dans la rue. Un zéphyr, et il tourna la tête.
"Qu'est-ce que ? ..."
Trop tard, le vampire lui brisa la nuque, puis de chaque main, il lui brisa les os des avant-bras d'une simple pression des phalanges. Hécate avait eut tord de choisir Luohan comme sauveur des Vampires. Cela aurait du être moi ! Et celle-ci m'a maudite d'entre ses enfants. Maudit des Purifiés qui me voyaient comme un damné. Maudit des damnés, qui me voyaient comme un opportuniste. Mais mon temps est passé, et peu se souviennent de moi.

Lorsque Naorun fut repus de sang, il jeta le corps dans la fange des bords de routes d'Urpis, dans les défections que les gens jetaient par les fenêtres. Mais avant de partir, il plongea la main dans la poitrine de l'être, brisant les côtes, déchiquetant la chair, éclaboussant son sourire malveillant du peu de sang chaud qu'il restait dans ce déchet, et repartit avec le tambour.
"Pas assez ! Je dois me nourrir plus ! Récupérer mes forces, et tuer ce roi de Valoundra. Ce... Lestat. Comment peut-il penser s'en prendre à moi sans mourir ?"
Un rire monta. La manifestation de ses avatars avait du bon. Il transcendait maintenant les deux races de vampires : puissant comme un Damné, et la clarté de réflexion d'un Purifié. Du moins il le pensait. Mais même si ce n'était pas le cas, il n'en avait cure, car il savait que sa puissance lui permettrait d'obtenir ce qu'il voulait, tôt ou tard.

Une taverne... L'endroit rêvé pour se nourrir. Le chaos d'une bagarre, et on attrape une catin pour la déguster avec d'autres plaisirs à la clef.

Effectivement, il y avait eut une bagarre. Beaucoup d'animation. Un paladin qui attaque une damné, et un autre de la même race que celle-ci la défend, mais peu importe, ce n'est pas l'affaire de Naorun. Il monta à l'étage, et cherche de quoi se mettre quelque chose sous la dent. Il vit une jeune femme sulfureuse, sensuelle à souhait. Mais il eut à peine le temps de lui planter ses crocs qu'un grand humain l'attrapa par la peau du coup, lançant des menaces et des insultes.

L’excitation monta : une chasse. Rien de mieux !

Il laissa passer la nuit. Le lendemain, il vit sa proie. Elle sortait de la ville. Pauvre chose, quelle naïveté. Elle disait s’appeler RougeGorge, et était une "journaliste". Naorun sourit : effectivement, sa gorge allait bientôt être rouge, peut importe ce qu'elle est, elle sera autre chose dans quelques instant. Elle lui lança quelque chose comme "Venez vous vous excusez ?"

Il s'apprêta à répondre quand un sabre s'abattit sur son dos. Plusieurs fois. Il se retourna et esquiva le dernier coup, puis prit quelques distances, tandis que sa proie s'enfuyait. Furieux, Naorun lança d'une voix rogue :
"Cessez de me déranger ! Est-ce un crime de vouloir dévorer une proie si exquise ?! Et pourquoi les vampires s'en prennent-ils à un autre ?!"

[Equus]

VALOUNDRA - Febranoct de l'an X notes anonymes

Les morsures des premiers âges auraient des effets méconnus sur les hommes et sur le temps. Les pouvoirs des morts eux-mêmes sont-ils possible à recenser ? On interroge pas le démon quand on le voit.

Les vampires des origines sont semblables aux coraux des profondeurs. Leur production et leur régénération font de chaque individu de l'espèce générique une race morphologique unique, autonome, qui développe son propre champs d'évolution.

Les survivants des ères anciennes avaient, je crois, muté, changé de peau, perdu des pouvoir pour gagner de nouvelles compétences liées à l'environnement. N. était de ceux-là. Je le retrouvais à Urpis, en plein hiver. Il n'était vêtu que d'un vêtement à moitié déchiré et semblait ivre. Son torse nu dans le vent glacé était agité de convulsion - comme les symptômes d'une infection pulmonaire. Les effets de la soif le poussait à roder de ruelle en ruelle, de campagne en campagne pour a-gorger des proies humaines. Je ne connaissais pas les effets de sa morsure mais savait qu'elle représentait un danger pour notre peuple. Les gênes épidémiques ne sont toujours pas fixés au moment ou j'écris et l'apparition de la déesse juste avant les événements annonçait l'instabilité de nos organismes.

- je tuais le vampire une seconde fois - il était sauvage et retors - ces cris commençaient à résonner dans ma tête d'une drôle de manière.