Un flocon sur Urpis

[Acanthe]

Acanthe était vêtue d'une robe blanche toute simple, par dessus laquelle une cape de laine était posée. L'air frais était revigorant mais pas assez pour se balader bras nus. Les cheveux détachés aussi blancs que neige, elle ne passait naturellement pas inaperçue mais dans cette bourgade aussi hétéroclite qu'Urpis, elle se sentait un peu chez elle. Tout le monde était différent.

Voilà des années qu'elle n'avait pas vraiment rejoint la "civilisation", un groupe vivant... Et elle ne savait même pas pourquoi elle y revenait. Le pincement au coeur était toujours là, bien qu'il se soit glacé peu à peu, comme tout son être. Lorsqu'elle avait vu son meilleur ami mourir devant elle, alors impuissante, elle était rageuse, débordante de colère, haineuse envers quiconque lui parlait. Si bien qu'on fini par la détester, jusqu'à ce qu'elle même ne puisse plus supporter son propre comportement. La jeune damnée avait alors décidé de partir loin, à tout jamais. Et durant des années la vampire fut seule, coupée de tout lien social ou presque.

Aujourd'hui, elle s'est forgée une armure de glace, un visage de marbre, un cœur de pierre. Tout cela est très fragile et se briserai facilement mais la jeune femme se sent prête à revenir. Peu à peu, elle avança dans Urpis assez doucement, sur une allure de promenade. Des gens la regardent, parfois lui disent bonjour. Elle tente de répondre par un signe de tête mais hésite. Il lui faudrait revenir au Marais, mais quand?

Acanthe passa dans le souk et vint machinalement vers le premier marchand.

-Hé.

-Bonjour madame, fit-il poliment. Son sourire l'agace.

-Bon, je veux ça. Et ça, là. Voilà. Tiens.

Elle balança l'argent requis directement devant le marchand qui sembla comprendre qu'elle était légèrement perturbée.

-Euh, merci. Ben, s't'à vous !

Se sentant un peu brusque, elle esquissa un sourire. Un sourire déployé là, exceptionnel, non pas par sa beauté mais... Parce qu'elle n'en avait pas fait depuis bien longtemps. Elle pensait s'en aller quand l'homme a qui elle avait acheté quelques babioles la retint par le bras:

-Hey M'Dame...

Surprise du geste, elle resta plantée la et patienta:

-Oui?

-Ben, vot' manteau il est vachement sale et usé.. Si vous me livrez ça, je peux vous filer un p'tit coup de main !

Pour qui il se prend lui? Pensa t-elle. Acanthe se regarda un instant, constata à quel point les trous de son manteaux s'étaient agrandis, le pan du bas était effiloché... Super salit aussi.

-Pourquoi pas, dit-elle en haussant les épaules.

Elle ouvrit la paume de sa main, reçu 3 carises à livrer et se dirigea rapidement vers la sortie de la ville. La damnée avait hâte de partir en vérité, rester là une journée c'était déjà beaucoup pour elle. Ainsi, la voilà déjà partie...

[Equus]

Des Equus avait quitté l'assemblée des rois d'Ertuen dans une tempête d'idées paradoxales. Un vent de doute parcourait son front - quand ses cheveux blonds s'hérissaient de volonté. Demain sera un jour de chaos pour les villes du sud. L'intelligence devra trouver nos cœurs et ravitailler nos espérances.

Le chevalier poussait son percheron. Les sabots frappaient la route poussiéreuse. La selle se prolongeait en harnais sur l'énorme croupe du noble animal et des sacs de cuir imposants pendaient sur les côtés.

Les fleuves sont encore loin.

Une silhouette blanche amusa le vampire. Est-ce une femme ou un fantôme ?

[Acanthe]

Acanthe marchait assez lentement, un léger paquetage sur le dos. Sur le bord de la route, elle regarda à peine le cavalier qui semblait bien chargé. La poussière soulevée par son passage arracha une petite larme à l’œil de la vampire qui l'essuya d'un revers de la main.

Et puisqu'il l'a regardait, elle le fixa alors. Peut-être qu'elle pourrait lui demander sa route, si elle osait lui adresser la parole... Sinon, elle le regarderait passer telle une enfant admirant un preux chevalier... Sauf qu'elle avait les yeux d'une damnée.

[Equus]

La rencontre avait été silencieuse. La lumière des jours étranges déchirait les nuages. Des robes de mariées soufflées par le début des nuits s'envolaient dans l'espace.

L'innocence et les premières secondes de la plus grande des chutes se lisaient dans les yeux de la nouvelle née . Le spadassin sur son cheval la contempla et son coeur lui pesa alors, comme l'acier d'un fourreau.

" Tu descends vers le sud ? " demanda le cavalier à la marcheuse

[Acanthe]

Elle émergea un moment. On lui parlait. Allait-elle vers le sud?

-Savez vous où est le le labyrinthe de Vendrik ?

Acanthe en oubliait les politesses. Un instant, une légère brise passa en travers la route, soulevant légèrement le pan de la robe blanche qui laissa entrevoir des pieds nus. Les chausses lui étaient inutiles.

-J'ai quelque chose à livrer là bas, ajouta t-elle d'une voix douce, tandis que ses paroles laissèrent entrevoir de jolies dents aussi blanches que le reste, joliment aiguisées.

[Equus]

Le chevalier plissa ses yeux clairs et captura l'image et la voix de l'inconnue. Une impression s'était levée dans l'esprit de des Equus, plus précisément dans les cachots de sa pensée et les chaînes du secret et de la vérité avaient secouée leurs cercles d'acier.

" Nous t'emmènerons à Vendrik. Mais les vampires sont rappelés à Valoundra par le roi Lestat de Lioncourt. L'heure est à l'aube d'une guerre. Voilà peut-être pourquoi tu ouvres les yeux aujourd'hui. D'ou viens-tu voyageuse ? "

L'aventurier restait haut sur sa monture immense. Les naseaux du percheron frémirent en profitant de ce repos inattendu.

[Acanthe]

La jeune damnée pencha la tête à gauche, puis à droite. "Nous t'emmènerons" ? "Nous" ? Elle supposa alors que le cavalier parlait de lui et son cheval car elle ne voyait nul compagnons autour d'Equus.

-C'est fort aimable.

Puis elle se pinça la lèvre. Une guerre se préparait? Encore? La dernière fois elle avait perdu son meilleur ami là bas. Decidemment, la vampire avait passé trop de temps seule et n'était au courant de rien.

-Une guerre contre qui? Elle leva un sourcil en signe d'interrogation. Puis, elle regarda derrière elle, un instant songeuse, puis reprit:

-Je viens.. de nulle part, ailleurs et partout. Ma vie ne vous regarde pas, ce me semble.

[Thorik]

Thorik courait aussi vite que lui permettait ses petits jambes. Pourquoi ne l'avait-elle pas attendu ?

-Acanthe !

Il arriva près d'elle, essoufflé.

-Même pas le temps de pisser avec toi ! T'aurais pu m'attendre pas loin, non ? Laisse moi reprendre mon souffle.

Il s'appuya contre un muret et tâcha de reprendre une respiration normale. La vampire n'avait pas dû se rendre compte de la distance qu'elle avait parcouru depuis que le Nain avait décidé de faire sa "pause-pipi". Il remarqua alors les sabots d'un cheval et leva les yeux. Il se renfrogna.

-Hum ? T'es qui toi ?

[Acanthe]

-Oh.

Elle se retourna tout à fait cette fois. La vampire n'avait pas oublié le nain, enfin.. presque pas.

-Désolée, j'ai oublié. L'habitude de voyager seule, en fait.

La damnée toujours non loin du cavalier, reprit la parole:

-C'est vrai, cela. Qui êtes vous donc?

Acanthe regarda Equus puis se tourna légèrement vers le nain, lui chuchotant:

-Pisse plus vite la prochaine fois!

[Thorik]

Le Nain n'en croyait pas ses oreilles. Que la Vampire avait failli l'oublier ne le surprenait guère, cela semblait faire partie du caractère du personnage. Mais CA ! "Pisse plus vite la prochaine fois !" D'où se permettait-elle de lui donner des ordres ? A son popol, qui plus est...

Thorik s'approcha d'Acanthe et lui chuchota :

-Désolé m'dame. Quand l'engin démarre, impossible de l'arrêter.