Le trac commençait à la ronger peu à peu, distillant ses ondes nocives, et pour y mettre un terme avant qu'il n'empire, elle se leva subitement.
Ce geste accomplit, elle n'eut plus d'autre choix que de venir au centre de la pièce. Le plus dur était presque fait, et une fois les premiers mots passés, elle savait que le reste viendrait tout seul.
Elle déroula devant un elle un fin parchemin, inspira profondément et s'exprima d'une voix claire :
- Mesdames et messieurs, le poème que je vais maintenant vous déclamer est sur le premier thème. Il s'intitule La Belle Au Fort Dormant.
Qui donc n’a jamais entendu d’histoires
De preux paladin blanc
Et de princesse étendue dans le noir,
Qui sa délivrance attend.
Celle que je vais maintenant vous conter
N’est pas vraiment ancienne,
Ni n’eut lieu en des contrées reculées
Mais en terres tradiriennes.
Dans les tavernes et dans les maisonnées
Une rumeur circulait,
Qu’au cœur d’un grand château abandonné,
Une belle dame reposait.
Plusieurs guerriers attirés par la gloire
Voulurent la secourir.
Et ils partirent la sauver plein d’espoir.
Nul n’en vit revenir.
Des paladins le jeune sieur Siméon
Etait très prometteur.
Y vit là chance d’enfin se faire un nom.
Partit la fougue au cœur.
Devant l’entrée noire du fort désolé,
Eut une hésitation.
Puis résolu il brandit son épée,
Entra dans le bastion.
Un seul flambeau pour chasser le néant,
Lentement progressait.
Repérant les pièges grâce aux corps gisants
Qui le chemin traçaient.
Vint un moment où des morts il n’y eut plus,
Et tout se compliqua.
Dans les donjons les belles sont retenues,
Et la piste retrouva.
En tâtonnant et usant de patience,
Il déjoua les traqu’nards.
Défiant les goules dans une macabre danse,
Au sommet de son art.
Moult démons se dressèrent devant lui.
Jamais ne recula.
De force et bravoure il était empli,
Son dieu armait son bras.
Ce qu'aucun guerrier n’avait réussi,
Siméon y parvint.
La gente dame reposait devant lui,
Dans un sommeil sans fin.
Sa grande beauté rapid’ment l’envoûta
Et étreignit son cœur.
Oubliée la gloire. Plus qu’Elle qui compta
Pour faire son bonheur.
Le remède des dormeuses ensorcelées,
Tout l’monde doit le savoir.
Avec joie l’homme déposa un baiser
Sur ses lèvres d’ivoire.
Le sort brisé la belle ouvrit les yeux
Et au guerrier sourit.
Siméon ne pouvait être plus heureux.
Si belle était la vie.
Reconnaissante envers le chevalier,
A son cou se jeta.
La dernière chose qu’aperçut ce dernier
Fut de crocs un éclat.
Au cœur d’un grand château abandonné,
Exsangue, Siméon gît.
La belle dame qu’il était venue sauvée,
En Tradirie sévit.
Si une morale il fallait qu’on retienne
Serait de se méfier.
Des inconnues qu’on détient à grand peine,
C’est peut-être justifié.