
Un vampire en vacances est un recueil de nouvelles de l'auteur vampire Lopo des Equus. Nous publions ici la première nouvelle en intégralité. Critiquée pour une écriture facile et peu rigoureuse, l'oeuvre complète est néanmoins encore disponible dans les librairies d'Urpis et trouve toujours acheteur.
Le mot vacances vient du latin vacare, qui signifie vacant. Un politicien ne devrait jamais partir en vacances car cela signifie qu'il laisse sa place à d'autres - et donc le champs libre à ses adversaires. Et quand il revient à la civilisation, il retrouve ce maudit Nelson Perceval roucouler avec tout les procureurs et les magistrats, les comptables et les officiers. Je déteste ce type, et je l'aurais déjà fait assassiner si je n'étais pas sur qu'aussitôt crevé, il reviendrait d'entre les morts en gagnant des points dans les sondages grâce à son assassinat. J'allais le démolir à l'ancienne - avec une bonne campagne de propagande véridique : révéler à tout le monde qu'il détournait des fonds publics pour faire régner sa propre mafia dans le faubourg. L'ordre est nécessaire à toutes les villes du monde. Je croyais en cette doctrine - mais j'avais du mal à l'appliquer pour moi-même - et je savais que le coeur devait être la capitale de l'homme juste. Paradoxe.
J'ouvrais les fenêtres de mon bureau pour aérer cette pièce pleine de livres que la poussière semblait apprécier autant que moi. Je devais me mettre au travail sans plus attendre ; j'ouvrais le premier tiroir qui me tombait sous la main et sortais une grande bouteille de rhum. Buvant au goulot, je repensais à ces vacances de rêve dans un coin de paradis. Trois semaine en pension complète sur le littoral drow - dans l'hôtel d'un ami richissime et dépravé.
Le soleil noir de la forêt des Ebones, les plages couvertes de jungles, la croisière sur le fleuve maudit, le camping de la grotte rouge. J'avais presque fini d'oublier Ingrith en rencontrant de charmantes elfes noires qui suçaient presque aussi bien que des vampires - le sang ! Il me faudrait écrire un jour sur le sujet, mais le temps n'était pas à la mélancolie de mes échecs amoureux- ni aux récits des accès de débauches qui me consumaient.
Contre toute attente, la plus marquante rencontre fut d'un tout autre domaine. Un marchand d'esclave me présenta un enfant trouvé aux abords d'un champ de bataille elfique il y a deux ans. Un petit humain, noiraud, intriguant comme la nuit, un peu plus âgé qu'un enfant, un peu moins qu'un adolescent. J'ai décidé de "l'adopter" après qu'il m'ait battu sept fois de suite aux échecs (j'ai rarement été battu sur les cases blanches et noires) La huitième fois, je fini par l'avoir - il me sourit alors : "je n'ai pas toute ma tête à cause de la fièvre." Quelle fièvre ? lui demandai-je. "Celle à cause de mes chaines aux pieds". Je jetais un coup d'œil sous la table et découvrait les jambes de l'enfant presque achevées par la gangrène. J'interrogeais le vendeur d'esclave. "A votre avis, pourquoi je le vend si peu cher avec un cerveau pareil ? Bon vous me le prenez ?" Je tuais le vendeur. J'achetais l'enfant. Durant sept jours il tomba entre la vie et la mort. Je le veillais. Il revint à la vie. Trop faible pour le voyage ; je demandais à un prêtre drow de se charger de sa guérison et à une assassine de me le ramener à Urpis.
Le temps m'étais compté. La vie politique d'Urpis s'annonçait mouvementée avec la mauvaise saison qui venait. Je voulais avoir régler définitivement cette affaire "Nelson Perceval" avant l'arrivée de mon petit protégé. Il m'avait humilié aux échecs, j'allais lui montrer qui était le patron ici. Instinct paternel ? Je finissais en deux gorgées la bouteille de rhum de deux litres. La journée pouvait commencer.